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Gouverner la bioéconomie @ Assises du vivant, UNESCO

3. Peuples Autochtones| Views: 651

Gouverner la bioéconomie, pour une politique cohérente, démocratique et soutenable aux Assises du Vivant à l’UNESCO. 

Unesco

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Lors de son séjour à Paris, Benki a participé aux Assises du Vivant à l’Unesco, organisées par l’UNESCO, avec l’Institut INSPIRE et le Cabinet Agrostratégies et Prospectives, qui présentaient une série d’évènements autour de la Bio économie. L’évènement a eu lieu Vendredi 13 Décembre à Unesco, sous forme d’un débat animé par Pierre Johnson, consultant en éco-développement et autour des questions suivantes :

Support d’une grande partie de l’économie mondiale, la biodiversité peut faire l’objet d’une valorisation soutenable de ses éléments dans les filières alimentaires, pharmaceutiques, cosmétiques ou chimiques. Quels modes de régulation à l’échelle locale, nationale et internationale rendent possible cette approche orientant la bioéconomie vers une économie circulaire ou symbiotique ? Comment garantir à la fois sa durabilité et l’équité d’un nouveau partage des richesses ainsi produites ?

Les participants étaient :

Tom Dodd, Policy Officer – Bioeconomie, Commission Européenne, DG Recherche et Innovation.
Sophie Gaudel, secrétaire confédérale déléguée à l’environnement et au développement durable, CFDT.
Richard Marietta, président de Nature et Progrès,
Benki Piyako, leader du peuple Ashaninka de l’Acre (Amazonie brésilienne)
Samanta Novella, Nature Rights
Esther Katz, IRD, UMR Patrimoines locaux (PALOC).

tof unescophoto © Anouk Garcia

Synthèse des interventions

Tom Dodd a abordé un discours plutôt didactique et a présenté la stratégie de la Commission Européenne sur la bio-économie, fondée sur 3 piliers : investissements en R&D, interaction accrue des politiques avec une meilleure intégration des parties prenantes, développement des marchés et accroissement de la compétitivité.

Sophie Gaudel a souligné le potentiel d’évolution des emplois, en rappelant cependant qu’il fallait assurer une cohérence des politiques publiques et prôner le dialogue entre environnement et société, afin d’éviter leur opposition et trouver un consensus dans le choix des technologies financées. La bioéconomie représente certes un potentiel, mais à développer dans la juste mesure et surtout avec créativité et implication citoyenne, car l’innovation et la technologie ne sont pas des solutions à part entière pour garantir des emplois de qualité.

Richard Marietta a replacé le débat sur un sujet crucial, qui lie la démographie exponentielle à la croissance et à la surconsommation; et qui souligne leur étroite dépendance aux énergies fossiles. Au fil d’exemples, il nous démontre la mauvaise orientation des investissements, l’incohérence profonde des politiques publiques, et la déformation des fondements même du développent durable operée lors de sa mise en oeuvre. Sur une planète finie et limitée, il s’agit donc de voir la réalité en face et de se poser les bonnes questions : la seule énergie durable est le soleil et la seule issue est la décroissance.

Benki Piyako a partagé son inquiétude quant au développement du Brésil : l’usage de la chimie (OGM, hormones, agriculture intensive et agrotoxiques), les grands projets Amazoniens (barrages, entreprises minières, pétrole), et la déforestation galopante (Acre: 35% en 100 ans). Il a présenté le plan de gestion agro-forestière de la communauté Ashaninka Apiwtxa, inspiré des connaissances ancestrales et des modes de vies traditionnels perpétués depuis des millénaires par le peuple Ashaninka.
En pensant un plan de développement sur 20 ans, la communauté a mis en oeuvre un modèle de gestion durable de leur écosystème, qui lui a permis de récupérer leurs terres ancestrales largement dégradées, la faune et la flore qui y étaient menacées, tout en restaurant l’empreinte culturelle de leur usages agroforestiers.
Ainsi, le centre Yorenka Atame a été inauguré le 7/7/2007, adoptant une stratégie de démonstration pour transmettre une économie durable fondée sur les richesses forestières comme alternative à la destruction de la foret. Grace aux résultat obtenus, ce modèle de développement écologique et soutenable est aujourd’hui un exemple diffusé à des centaines de communautés dans la région.

Benki se questionne sur le manque de volonté du gouvernement à soutenir financièrement cette initiative, alors que ce projet obtient déjà la reconnaissance des populations locales, a démontré ses effets bénéfiques et la pertinence des méthodologies appliquées. En effet, ce projet est mené depuis 27 ans sur les bases d’une économie solidaire et volontaire, fondée sur un esprit d’entraide communautaire. Ce projet ne bénéficie d’aucune subvention d’État qui pourrait pourtant en décupler les effets bénéfiques.

N’est ce pas le rôle du gouvernement de promouvoir les pratiques des populations qui servent au développement du pays et à la préservation de la diversité ? A contrario, le gouvernement privilégie des investissements ayant une portée destructrice sur les écosystèmes, sans considérer les impacts, sans investir pour les atténuer, en enfreignent les droits des populations qui dépendent de ces écosystèmes, et de surcroit sans mettre en œuvre une politique sociale qui puisse assurer des emplois et une économie durable.

Quelle intelligence fonde ce modèle de développement ?

Benki déplore le manque d’humanité et de conscience derrière ce développement. Les aires les mieux préservées au Brésil sont celles des peuples indigènes, qui subissent pourtant une grande pression de l’extérieur.

N’ont ils pas beaucoup à apporter au monde moderne de part leur conscience et leur science ?

Il nous rappelle au bon sens, à la prise de conscience que la plus grande des richesses est notre écosystème dont nous dépendons pour vivre. De cette conscience découle une relation d’équilibre pour prendre et donner afin de permettre à la vie de se perpétuer. Il rappelle l’irréversibilité de la perte de la biodiversité en Amazonie et partout dans le monde. Il nous rappelle que l’avenir de la Terre est sous notre entière responsabilité, et pas de celle de ceux qui vont naître, les générations à venir. Et que pour pouvoir l’appréhender, il faut des valeurs de respect et d’humanité.

Alors comment transmettre ce message à la société ?

Esther Katz, confirme : les populations indigènes sont ignorées, leurs savoirs méprisés du gouvernement, et la population considère qu’ils sont improductifs, et ignore leur rôle dans l’agriculture. Or les recherches montrent que leurs systèmes agricoles sont d’une grande complexité et présentent un grand intérêt. On commence à les prendre en compte depuis le Sommet de Rio en 1992, notamment en bioéconomie, recherche pharmaceutique, cosmétique, semencière.

Sophie Gaudel rappelle combien la preuve par l’exemple est essentielle. En 1992, la CFDT a publié un rapport intitulé «les dégâts du progrès» tant environnementaux que sociaux. L’organisation travaille aussi sur la loi-cadre qui met en place l’Accès et Partage des Avantages tirés des ressources biologiques, issue de la Conférence de Nagoya en 2010. L’économie verte doit aussi être plus sociale et plus équitable, et il est nécessaire de vérifier la cohérence des politiques publiques, de mettre en cohérence la politique énergétique et la politique agricole avec la politique de préservation de la biodiversité. Cependant la préservation de la biodiversité se fera dans une vision anthropocentrée, car la biodiversité peut survivre sans nous.

Conclusion

La présence de Benki a suscité bien des émotions, la plupart des réactions de la salle soulignaient la pertinence de son discours, de part le coté pratique sans intellectualiser le débat, l’approche raisonnée avec sens et conscience, tournée autant vers le passé (mémoire ancestrale), que vers le présent et le futur (générations futures). Il a été souligné la nécessité d’un apprentissage mutuel et de dresser un cadre scientifique pour préserver ces savoirs.

Sans avoir suivi d’éducation « académique » ou « scientifique », le peuple Ashaninka possède des connaissances inter générationelles qui relient le cosmos au système de vie terrestre. Leur science ancestrale, transmise oralement de père en fils, vient de leur dieu créateur « Tassore ». Ils sont ainsi capables d’expliquer le cycle de vie où toutes les étoiles sont inter-reliées à chacune des espèces sur Terre. C’est le « cycle de la lune ».

De cette loi universelle découle l’interdépendance de chaque élément : la survie de toute espèce dépend du cycle d’échange d’énergies qui se nourrissent les unes les autres, assurant ainsi l’équilibre global de l’écosystème dans une inter-relation étroite et fragile. Ainsi prévaut la considération et le respect envers toute forme de vie, qu’elle soit végétale, minérale ou animale, elle sera l’égale de l’homme et sera doté d’un esprit dans la « loi de création » Ashaninka.

« Si nous tuons ces êtres, c’est notre propre vie que nous détruisons »

Ainsi, la sagesse Ashaninka se fonde sur le respect mutuel entre toute espèce vivante, sur la conscience écosystème interdépendant et sur le soin et l’attention de ce qui est pris et redonné à la terre pour maintenir l’équilibre du système de vie.

Ils soulignent le caractère sacré du vivant, face à l’arrogance du monde moderne, et à sa volonté de dominer la vie avec ses « sciences » et son « académie ». Ils rappellent que l’être humain n’est propriétaire de rien ici bas, qu’il est simplement de passage pour apprendre à utiliser les richesses avec sagesse. Mais l’obscurantisme et l’ambition met des oeillères à l’homme moderne qui ne croit en rien d’autre qu’en lui-même et en ce qu’il sait. Ceci le pousse à tout détruire en pensant qu’il est le meilleur et c’est ainsi que le système de vie est saccagé, que les espèces disparaissent a tout jamais, que les générations à venir sont oubliées.

« Si les lois appliquées étaient celles du début de la création alors la science et la conscience convergeraient ensemble dans le respect de l’univers. »

C’est la différence entre loi de la nature, universelle et la loi de l’homme, éphémère. Les Ashaninka appellent au « bon sens » et à la conscience, pour observer ce qui se passe réellement sur terre et pouvoir renverser la tendance. Ils pointent la nécessité d’avoir des valeurs fondamentales avant d’employer des termes savants de « démocratie » ou de civilisation.

« Ce que je demande à chacun d’entre vous, c’est l’attention, l’observation, la compréhension, le dialogue. C’est de notre responsabilité, en tant que leaders, que démocrates, que scientifiques, que politiques, qu’économistes… de transmettre cette conscience et cette compréhension à chacun, au reste de l’humanité. »

Interview de Benki sur Up Magazine

Pour avoir une idée d’avance !
UP’ le magazine  référence de l’innovation, de l’open innovation et de l’économie créative , en partenariat avec les Assises du vivant, s’est penché sur les réflexions et l’expérience de Benki Piyako sur la valorisation de la nature.
lire l’article:  https://www.up-magazine.info/

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Télécharger le Programme complet des Assises du vivant  ou aller sur le site de l’Institut Inspire 
Voir le programme de Benki du week end (Voir ici) et du lundi (Voir ici)

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